Iran

Esperant quitter l’Iran par le train de Téhéran à Istanbul, j’ai fait momentanément l’impasse sur la capitale pour ne pas y passer deux fois, et suis allé directement de Tabriz à Esfahan.

Sur le chemin du terminal de bus je croise un jeune qui vient me parler qq minutes avec sa tante. Au moment de nous séparer, sa tante lui demande si je n’ai pas besoins d’aide pour trouver un taxi vers la station de bus (comme partout en Asie, les iraniens n’aiment pas trop marcher, alors voir un touriste chargé comme un mulet se faire les 5-6km jusqu’au terminal à pied, ça les dépasse). Après lui avoir expliqué que je vais bien, il revient vers moi 5 min plus tard pour me donner son numéro de téléphone en me disant qu’au moindre problème pendant mon séjour en Iran, je pourrais toujours l’appeler ! Si c’est pas cool ça ?

Esfahan, c’est sympa, d’ailleurs on voit directement une grosse différence avec Tabriz : c’est moins conservateur, plus moderne, les gens plus ouverts (en même temps, c'est aussi la ville la plus iranienne que j'aie vu...Tabriz est en fait une ville turque et Kashan remplie de Turkmènes et d'Ouzbekhs).

A peine arrivé, je suis déjà dans l’ambiance : en attendant que ma chambre d’hôtel soit prête, je vais me promener sur Imam Square (la deuxième plus grande place du monde après Tien Anmen) et  un étudiant vient taper causette avec moi pendant une bonne heure. 5 min plus tard c’est une jolie iranienne qui vient me dire bonjour avec un grand sourire avant qu’une autre très jolie jeune fille ne fasse de même en ajoutant un ptit clin d’œil. 5min après, cette dernière vient me parler, malheureusement elle espérait de moi que je parle farsi, mais je ne suis pas encore au point. Quoi qu’il en soit, elle était littéralement en train de me draguer, tout ça sous les yeux émerveillés de sa mère (on ne peut que la comprendre, quand on se trouve en face d’un apollon comme moi :o ). De quoi donc se demander où on est allé chercher nos préjugés sur l’Iran (mais si, vous savez bien, les femmes qui ne portent que le tchador et qui sont confinées à la maison, toussa toussa).  Et quand c’est pas la maman, ce sont les passants qui rigolent, amusés de me voir aux prises avec un groupe d’iraniennes en furie.

Puis la ville en elle-même est chouette, pas mal de beaux bâtiments, un beau bazaar, une rivière avec des vieux ponts et le long de laquelle plein de jeunes couples viennent se promener main dans la main (encore un préjugé qui tombe à l’eau (mais si mais si, là encore vous savez de quoi je parle : cette soit disant séparation interdisant tout contact entre hommes et femmes avant le mariage et interdiction de geste d’affection en public).

C’est sur un de ces ponts que je me suis fait accoster par un vieux moustachu qui, après les questions habituelles me demande :

-          Vous êtes marié ?

-          Non

-          Une ptite copine ?

-          Non

-          Ah…vous êtes gay ?

-          Heuu, non !

-          Oh, désolé…peut-être bi alors ?

-          Mais ! non !!

-          Vous aimez pas les gays ?

-          Ben, j’ai rien contre, mais moi je penche plutôt pour les filles quoi hein bon

-          Oh

-          …

-          Et…excusez-moi, mais…Vous avez un grand pénis ?

-          Heuuuuuuu….ben, normal quoi

-          Normal grand ou normal petit ?

-          Bon bon bon monsieur, ce fut un plaisir mais je viens de me rendre compte que je suis en retard pour mon cours de catéchisme, au revoir et heuu surement pas à bientôt!

De Esfahan je vais à Shiraz, à première vue beaucoup moins intéressante mais je rencontre Dan, un néozélandais avec qui je voyagerai 4 jours. Ensemble on rencontre Hossein, Afshin et un troisième jeune gars avec qui on passera une bonne partie des deux jours suivants. Hossein nous invite à boire le thé chez lui et nous présente à son père. Aucun des 3 ne parle vraiment anglais mais on se fait comprendre (Dan est doué pour ça). Ce sont tous des admirateurs du gouvernement actuel…parfois dur de rester diplomate quand on en vient à parler politique !

C’est d’ailleurs en attendant Hossein en face de notre hôtel qu’on rencontre Ali, un prof de 35ans d’origine Qashqai (une « tribu » (je ne trouve pas le mot exacte mais c’est pareil) de nomades venant de Turquie (et toujours turcophone)) habitant un petit village dans les montagnes à 2h de route de Shiraz. Il parle bien anglais et on discute un petit moment et avant de partir nous donne son numéro de téléphone ainsi que toutes les infos nécessaires pour aller à son village et nous dit qu’il serait content de nous accueillir.

Le jour suivant on décide donc de se rendre à ce village, en passant par une chouette route de montagne et une fois arrivé, le gars qui nous a pris en stop nous demande un peu surpris si on a un hôtel pasque ici c’est pas trop un endroit à guest house. On lui répond qu’on connait qqun ici et demande si on peut utiliser son téléphone pour l’appeler. En entendant son nom, il nous fait signe de remonter dans la voiture et nous amène lui-même chez Ali, qui est un de ses amis.

Ali nous reçoit donc chez lui et nous présente à sa femme (contraste avec la famille de Hossein, où les femmes restent à l’écart…chez les Qashqai tout le monde mange ensemble) et à sa fille de 7 ans qui au début est plutôt terrifiée et qui finira plus tard par me prendre par la main pour aller se promener! 

On reste donc pour manger et on passe la nuit et le jour suivant avant de retourner à Shiraz. Ali est assez surprenant : appartenant à une tribu de nomades venant de Turquie, il a fini par s’installer près de Shiraz et est prof dans l’école du village. Il est musulman évidement, parle turc, farsi et anglais. Mais le plus incroyable c’est qu’il est vachement cultivé : sa bibliothèque est remplie de Jules Verne, Hemingway et compagnie (qu’il lit en anglais). Il a également lu l’ancien et le nouveau testament (en plus du coran). C’est peut-être ridicule mais je ne m’attendais pas à trouver, dans un endroit si reculé, un mec aussi cultivé (et qui se cultive par lui-même, pas dans une école ou université quelconque). Bref on a parlé des heures de religion, cinéma, bouffe, livres, …

Il se bat également pour préserver les traditions et la culture qashqai. L’école en Iran ne pouvant être donnée qu’en farsi, il apprend le turc et le dialecte de la tribu à sa fille et déplore que de plus en plus de qashqai finissent par s’installer en ville et ne parlent plus que le farsi. Bref, de loin la rencontre la plus intéressante du voyage !

Le lendemain, avant de quitter Shiraz, je vais visiter Persépolis. Un peu déçu, c’est pas aussi extraordinaire que je pensais à part les sculptures. Par contre chose marante, la porte d’entrée est couverte de gravures-grafitis dont certaines datent du 18eme siècle, du genre « lt général Collins, nom du régiment et daté de fin 18eme siècle ».

Pas loin de Persépolis il y a un autre site historique plus intéressant pour moi : les tombes de 4 rois (dont Darius et Xerxès) creusées dans la montagne.

Ensuite je repasse vite fait à Shiraz pour prendre mon sac et file à la station de bus prendre le premier car pour Yazd, où j’arrive vers 21h. L’hôtel est sympa, un peu du genre des guest houses qu’on trouve en inde. Je resterai à Yazd environ 10 jours, d’une pasque Yazd c’est joli et relax, et de deux car c’est la première fois que je me trouve dans un endroit où il est facile de rencontrer d’autres voyageurs (un couple de portugais (Joana et Tiago), un autre de Suisse (Boris et Nina), un allemand et un suisse voyageant à vélo (Sven et Adrien), une famille d’anglais voyageant en VW avec leur gosse de 2 ans, une franco-iranienne (Eva) venue en Iran pour étudier la langue, …Bref pas mal de gens intéressants avec qui je sympathise bien qui font que finalement je demande une extension de mon visa iranien.

Avec Boris et Nina, on fait une petite escapade à Kerman et Mahan (un village près de Kerman) pendant 2 jours. A peine arrivés à Mahan, une jeune iranienne de 15ans m’accoste pour me demander d’où je viens et si j’ai besoin d’aide. Elle s’en va très vite puis revient avec 2 de ses copines, bientôt rejointes par 2 autres puis finalement par leur…prof d’anglais. On discute un bon moment avec tout ce petit monde avant que le prof ne nous propose d’aller à l’institut d’anglais histoire que ses élèves pratiquent un peu la langue. C’est comme ça qu’on partira de Mahan sans avoir rien visité mais en ayant « donné un cours d’anglais », ce qui était drôle étant donné que les jeunes filles n’avaient rien à apprendre de nous en ce qui concerne l’anglais.

De Kerman, les 2 suisses sont allés à Shiraz alors que moi je suis retourné à Yazd par un bus de nuit qui, ne voulant pas faire les 2km de détour par la station de bus, me dépose à 2 heure du matin sur l’autoroute près de la ville. Le seul taxi disponible me demandant trop d’argent, j’essaye le stop et en 15sec j’ai un lift (payant, mais 2x moins cher que le taxi) me déposant à mon hôtel.

Qq jours plus tard je me décide enfin à bouger de Yazd et me met en route pour Toudeshk, un petit village à 100km àl’Est de Esfahan où je suis hébergé par Mohammad et sa famille, qui tiennent un home-stay. Je n’accroche pas trop avec Mohammad, un brin spécial, mais c’est propre, pas cher, la bouffe préparée par la femme est excellente, les 3 enfants adorables et puis il y a de petites montagnes pas loin, ce qui me permet d’aller marcher un peu et faire un break dans la série de visites de grandes villes. Je resterai donc 3 jours à Toudeshk, alternant les promenades dans le vieux village, les clowneries avec les enfants, une partie d’échec avec la gamine de 10 ans et les promenades en montagne.

La gamine de 10 ans est assez formidable : tout le temps en train de bosser pour l’école, j’en suis venu à poser la question à Mohammad, qui m’a répondu qu’elle n’avait aucune obligation et que si elle étudiait autant, c’est juste parce qu’elle en avait envie. Un jour elle s’est même mise à lire un bouquin sur l’histoire et la politique en Iran ! Elle a l’intention de devenir prof.

Les petites randos aussi étaient bien sympas : le deuxième jour je suis monté au sommet de la plus haute que j’ai pu trouver pour regarder le coucher de soleil. Je m’y suis posé une bonne heure pour admirer le paysage, tout seul avec ma musique quand j’ai « senti » bouger derrière moi. Je pensais que c’était un gars qui se promenait, mais non…un énorme rapace (sorte de vautour) volait en vol plané à qq mètres et au même niveau que moi, tout ça sur fond de coucher de soleil ! Magnifique !

Après Toudeshk, je suis allé à Kashan, dernière étape avant Téhéran. Rien de bien spécial si ce n’est mon unique cuite dans le pays des mollahs, avec une sorte de vodka locale.

A Téhéran, où il ne me reste que deux jours avant de prendre mon train vers la Turquie, je croise par hasard Boris et Nina, les 2 suisses rencontrés à Yazd, qui attendent depuis 10 jours leur visa indien à Téhéran. On passera les 2 jours ensemble et me présentent à leurs amis Tehranis (un couple de 25 ans, lui ingénieur et elle architecte (pour changer….en Iran, tous les jeunes sont soit ingénieur, soit architecte !), qui, en bons iraniens, ne nous laissent rien payer ! Aucun des stratagèmes, pourtant savamment étudiés par Boris et moi, ne nous permet d’allonger le moindre rial. Ils sont très très forts ! Quand on dit que l’Iran est le pays de l’hospitalité, c’est pas une blague, ils en font une affaire d’état.

Enfin, mercredi je monte, en compagnie d’un australien, à bord de mon train qui me conduira à Ankara 3 jours plus tard.

A ce propos, une petite anecdote concernant l’obtention du billet de train : ayant entendu qu’il était souvent rempli, j’ai essayé de réserver le billet depuis Yazd un samedi matin…malheureusement, le train du 25 était déjà full. Je demande alors pour réserver pour le mercredi suivant et on me répond que ce n’est pas possible, qu’on ne peut réserver qu’à partir du samedi précédant le départ du train. Sauf que visiblement quand on s’y prend samedi, c’est déjà trop tard, le train est déjà full !

Je retente ma chance à Kashan. La dame à ma guest house me dit que c’est bon, elle a appelé l’agence de voyage et ils ont réservé un billet pour moi, je dois juste aller tout de suite leur donner mon passeport, ce que je fais. Sur place ils me disent « ah non, pas possible, faudrait que vous reveniez demain »…bon…ben, je reviens le lendemain…. « ah ben non, revenez demain »… bon ben là c’est un peu trop, et j’explique au monsieur que j’ai pas l’intention de passer 3 mois à Kashan en revenant chaque jour à l’agence de voyage, que j’ai un peu autre chose à faire. Finalement, une heure plus tard ils me fourniront mon précieux billet ! pfouuu, pas sans mal hein !